jeudi 8 juillet 2010

Abbas Kiarostami et la vidéo

Les grands cinéastes qui utilisent la vidéo pour faire leurs films sont encore rares mais leur nombre est appelé exploser avec l'arrivée des Hybrid. Alors pour ceux qui s'interrogent sur les capacités et les spécificités du langage vidéo, il est intéressant de connaître le travail du cinéaste iranien Abbas Kiarostami.

Une voiture, deux passagers, dix séquences, deux caméras vidéos fixées au pare-brise.
Un champ contre-champ de plans invariablement fixes. Aucun plan hors de cette voiture qui circule, en temps réel, dans les rues de Téhéran. La vie palpite, se fait entendre, parfois on s'invective d'un véhicule à l'autre, invisible.
Et pourtant, on a rarement vu et compris autant de choses, sur ce qui se cache dans les interstices de la vie des femmes en Iran, que dans ce film qui se débarrasse de tout superflu.
Le dispositif narratif choisi est passionnant pour tout ceux qui réfléchissent aux possibilités de la vidéo, parce qu'il prouve combien il est possible de créer de la fiction, avec une absolue économie de moyen, et surtout loin des codes du cinéma.

"Ten" de Abbas Kiarostami.

La prise de conscience des capacités de la vidéo par Kiarostami date de quelques années auparavant, lorsqu'il découvrit les rushs tournés par une petite Sony Handycam (PC101E), au cours d'un de ses films.
Kiarostami est un autodidacte qui vient du documentaire. Il utilise en général des acteurs non professionnels, et il a une obsession, obtenir un parfait naturel devant sa caméra, et un but, atteindre le réel au-delà de l'illusion des apparences.
Or ce qu'il découvre, le statufie. Devant cette caméra, trop petite pour être prise au sérieux, tout le monde est naturel, ce qui n'est possible devant une énorme 35mm qu'avec un travail acharné.
Quelques années plus tard, il franchira le pas avec ABC Africa. En regardant les rushs des repérages d'un futur film sur les ravages du sida en Afrique, toujours tournés avec cette petite Sony, il a la certitude qu'il n'obtiendra jamais le même naturel en arrivant avec sa 35mm dans tous ces petits villages. Il prend alors la décision de faire le film avec les images de la caméra vidéo.


"Ten" (10/2) from Kiarostami on Vimeo.

La discrétion qui permet de capter le naturel.
L'extraordinaire capacité d'observer tous ces petits détails qui font la réalité précieuse de la vie au-delà des apparences.
Tels sont, de mon point de vue, les points forts, les spécificités du langage vidéo.

Nous sommes à des années lumières du cinéma. Et même si tout nous laisse croire à leur absolu hégémonie, il est peine perdue d'utiliser les codes de la fiction cinématographique en vidéo.

Il nous reste à explorer ce nouveau continent.

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